Il faut absolument que je vous parle d'une réaction communautaire que j'ai trouvé très touchante et qui s'est produite à 4 reprises pendant le Festival, pour 2 films (dont 2 fois où j'étais présent dans la salle) :
- Si le public du Festival de Cannes est considéré par beaucoup comme le "pire public du monde" parce qu'il est composé de professionnels du cinéma et de journalistes, faut-il considérer ses réactions spontanées comme normales ? Comme exagérées ? Ou illogiques et déplacées ? Je vous laisse juge !
- Car, voici les faits :
- Dimanche 20, Théâtre de la Croisette, séance de 09h00, Quinzaine des Réalisateurs : A moins de 5 minutes de la fin d'un film dramatique (Gegenüber) au cours duquel un policier stoïque se fait frapper à plusieurs reprises par sa femme, il se rebelle et finit par battre sa femme à son tour ==> Une partie du public (et je n'étais pas le dernier) se met à applaudir et rire fortement pendant quelques secondes, allant certainement à contresens de la volonté du réalisateur.
- Dimanche 20, Salle Debussy, séance de 16h30, Un Certain regard : C'est à la dernière seconde d'un film TRES réussi (Mang Shan, ou Blind Mountain ou Sourdes Vallées) qu'un Final Twist (ou "retournement final") vient alléger une atmosphère plombée par une histoire absolument dramatique. Là encore, la réaction du public est la même : Bronca joyeuse et soulagée du public pendant quelques secondes. - Mon avis :
Nous sommes dans une salle de cinéma, nous regardons une fiction. Et même si une fiction peut parfois, par certains cotés, se rapprocher d'une cinématographie appelée "cinéma du réel", cela ne reste que du cinéma. Alors, les réactions de certains, tels Jean-Philippe Téssé (in Chronicart, qui va même jusqu'à traiter les spectateurs de ...CONS) ou Zama (in Zéro de Conduite, qui considère inutile la projection de ce genre de film à des Occidentaux non préparés) me semble tout autant déplacées que le malaise qu'ils ont pu ressentir pendant ces manifestations décalées, certes, mais majoritaires. - Dans le fond, que c'est-il passé ?
Dans les 2 cas, la lourdeur des propos sèche la gorge et dérange. Et dans les 2 cas, le public a ressenti le besoin de décompresser massivement à la 1ère bouffée d'oxygène.
Et personnellement, autant le réalisateur de Gegenüber ne peut s'en prendre qu'à lui-même (le retournement de situation final (inutile) desservant plus le film que le contraire, on est bien face à une fiction, ou on l'espère, plutôt !), autant dans le film de Li Yang, extraordinaire en bien des points, l'un des meilleurs films du Festival, le retournement est parfait et renforce cette recherche de liberté qu'on nous supprime pendant tout le film. Et n'allez pas me dire, en sortant d'une salle où vous aurez vu ce film, que l'on puisse imaginer la suite réservée au père et à la fille (la mort ?): Car, même si la réalité du propos semble correspondre à ce qui se passe en ce moment en Chine, on peut en discuter après le film !
Dès lors, la réaction du public est acceptable, normale et appréciable : il y a encore de la vie dans ce public, et certainement pas autour d'un appel au meurtre ! D'autant plus que la même réaction a eu lieu à chaque projection de ces 2 films !