Mail + contact téléphonique. Je retranscris les questions et je donne les réponses. Ca concerne le cinéma et le P2P, pour un mémoire :
1. On parle beaucoup du téléchargement illicite de la musique sur Internet. Selon vous, malgré l’existence du téléchargement illicite de films en ligne, pourquoi c’est le téléchargement de la musique qui s’est le plus développé aujourd’hui ? En réalité, sur les sites de téléchargement illicite, il y a beaucoup plus de films que la musique. Pensez-vous qu’il y ait une caractéristique différente dans le domaine cinématographique par rapport à la musique ?
Le téléchargement illégal en ligne s’est développé principalement autour des logiciels de jeux et de la musique pour une question technique. Jusqu’à il y a 2 ans environ aux USA et 6 mois en Europe, la majeure partie des internautes était connectée en bas débit. Même si aujourd’hui, les choses se sont améliorées, le téléchargement d’un film est beaucoup plus lourd que tout autre téléchargement, donc plus long, donc plus risqué. On peut penser qu’hormis les « téléchargeurs » les plus frénétiques (et quasiment par définition les vrais « pirates », ceux qui ensuite dupliqueront à plus ou moins grande échelle), beaucoup d’internautes qui n’hésitent pas à télécharger des albums entiers hésitent encore à se lancer dans le piratage des films.
D’autre part, dès le départ et par expérience, le coût d’un film est estimé largement supérieur au coût d’un disque, laissant à supposer pour beaucoup de néophytes que les peines pourraient éventuellement être très supérieures aux peines encourues pour le téléchargement d’un disque (même si on peut se rendre compte qu’il n’en est rien avec la jurisprudence qui se dessine).
Enfin, par un artifice technico-algébrique, le nombre de films téléchargeables par les pirates n’est qu’indirectement supérieur ; effectivement, et ça n’engage que moi, le téléchargement de films s’adressant par essence à un public plus restreint (les 15/30 ans) que pour la musique (une grande majorité des internautes dont tous ceux qui ont des lecteurs MP3- les ados, des lecteurs laser dans les voitures-les adultes,…), le panel de films proposé est en corrélation (un ‘downloader’ devenant souvent un ‘up loader’) et est plus restreint que le panel de musiques et chansons.
Pour l’anecdote, le nombre de musiques/chansons existants est de toute façon bien supérieur à celui du nombre de films, l’un expliquant l’autre.
2. Selon le CNC, l’année 2004 enregistre un total de 194,41 millions d’entrées dans les salles de cinéma contre 174,15 millions en 2003 et 184,18 millions en 2002. Qu’est-ce que vous pensez de cette augmentation des entrées dans les salles de cinéma, malgré le téléchargement illicite sur Net ?
Il n’existe aucune corrélation entre les deux. La hausse des entrées dans les salles en 2004 est avant tout liée à la proposition de films sur le 1er trimestre de l’année dernière (avec Podium et …Les Choristes en premier lieu), ce qui a crée une émulation sur le reste de l’année. D’autre part, l'effet de la rénovation du parc d'exploitation (1,7 milliard d'euros investis depuis deux décennies) commence à porter ses fruits. Et l'on ne peut que se réjouir de la bonne santé de la fréquentation cinéma, d'autant qu'elle est de plus en plus concurrencée par d'autres supports de diffusion, tels que le Dvd, le câble, le satellite et le téléchargement illégal sur Internet. Le cinéma voit donc ses entrées augmenter et le doit … au cinéma, pas au piratage.
3. Peut-on affirmer que l’industrie cinématographique se porte plutôt bien ? Peut-être y a-t-il des raisons pour la bonne santé de l’industrie cinématographique ? Quelles explications vous pouvez donner ? Y a-t-il aussi la question de la subvention ?
Soyons clair : le cinéma est soit disant en crise depuis ses débuts. Combien de fois la mort du cinéma a-t-elle été programmée ? Combien de personnes n’ont jamais cru au cinéma dès son apparition en le supposant simple attraction de foire ? Combien d’économistes ou de visionnaires voyaient le cinéma réduit à la portion congrue dans les années 80 ?
Le cinéma ne se porte pas mal. Les spectateurs ont de plus en plus besoin de loisirs. Si les salles de cinéma continuent à évoluer techniquement comme elles les font depuis 20 ans, alors une moyenne de 185/190 millions de spectateurs annuels est envisageable pour les 15 ans à venir. Simple prospective, certes, mais pas complètement dénuée de fondement : il n’y a qu’à voir le nombre de projet de construction et d’ouvertures de nouveaux équipements (tout le monde sait maintenant que quand une industrie comme le cinéma crée, les entrées montent).
En l’espèce, la subvention dont vous parlez n’a là non plus aucun impact sur les salles, puisqu'elle concerne avant tout les tournages avec l'aide à la relocalisation des tournages. Je pense en effet que lorsque vous parlez de subvention, vous parlez en fait du crédit d'impots à la production ; C'est cependant un succès. D’abord, il a permis à la production cinématographique de rester à son plus haut niveau – au-delà des 200 films produits en 2004 – alors qu’elle naviguait à vue, entre une fréquentation en salle en voie de consolidation et un environnement financier incertain. Ensuite, il a porté ses premiers fruits en matière de relocalisation des tournages, ce qui a des conséquences directes sur l’emploi en France. Si vous parlez d'une autre subvention, merci de me tenir au courant et d'être plus précises, car il en existe de nombreuses.
4. Selon les enquêtes par le CNC en mai 2004, le piratage n’a pas influencé la fréquentation des salles. Quelles sont les motivations des spectateurs?
Et si le piratage, au lieu de tuer la salle de cinéma, l’aidait au contraire ?
L’appétit venant en mangeant, la copie illicite de films donnerait peut-être envie aux internautes de se retrouver dans une salle de cinéma devant un grand écran avec un son numérique de qualité et assis dans un fauteuil très confortable !
5. Complément d’enquête :
La place de la musique dans notre quotidien (et notamment dans celui des plus jeunes) a profondément changé depuis 20 ans. À domicile, en déplacement, dans les lieux publics, dans toute sorte d'événements, la musique est devenue omniprésente. Souvent, on la vit plus qu'on ne l'écoute. Elle devient un espace que l'on partage, un signe que l'on se transmet : la compil' créée pour une soirée, la sonnerie de son mobile, la musique de fond de son répondeur... Le numérique est l'outil, mais pas la cause, de cette évolution, dont l'échange de morceaux musicaux est une conséquence logique.
Si cette analyse est juste, il est peu probable que la vidéo (et donc le cinéma) soit à l'avenir autant touchée par le phénomène P2P que la musique ou les programmes informatiques (tant mieux pour mon avenir professionnel, ;-)).