Pour avoir suivi, en juillet 2000, en tant que spectateur privilégié (?) l'aventure "Baise-moi", en temps que membre de la seule salle de cinéma l'ayant projeté sur les Champs-Elysées (et oté de l'affiche aussi rapidement), je me sens le droit de reproduire ci-après la
par Virginie Despentes, co-réalisatrice du film
Pourquoi, me demandez-vous, reproduire ici un texte brulot ?
La réalisatrice (que je lis sur son blog et que j'ai linké dans ma colonne depuis le 1er jour) semblant ne pas avoir de mots assez durs vis à vis de Philippe Godeau, il serait intéressant d'avoir le point de vue du producteur. Donnons donc l'occasionà Philippe Godeau (producteur d'un certain nombre de films du "8ème jour" à "Monique" en passant par le récent "Mariages", à l'origine du groupe Pan Européenne, frère de Patrick, également producteur) de répondre en ligne dans le cadre de son droit de réponse, la réalisatrice ayant désactivé les commentaires de cette note sur son site :
"Dans le conflit qui nous oppose, il arrive qu'on se parle directement, et à chaque fois - toi même un peu surpris d'avoir une idée aussi élaborée - tu répètes "mais enfin Virginie, tu es lâche : tu confonds les censeurs et moi. Tu me mets tout sur le dos". Comme quoi je m'en prends à toi faute de pouvoir m'en prendre aux vrais responsables. Et tu as partiellement raison : je fais un rapprochement entre l'attitude des agresseurs et la tienne. Mais, contrairement à tes pronostics, le déplacement ne se fait pas censeurs-producteurs . La censure, c'est un autre dossier, en fait je fais la différence. Toi, dans mon esprit, à force, je te confonds avec les violeurs. Voilà les agresseurs à qui tu me renvoies. Ta façon d'imposer ta loi, par la force la plus brutale, ta façon de prendre ce qui n'était pas qu'à toi, qui ne t'a jamais été spontanément offert, de te l'approprier, uniquement pour le plaisir de le bousiller, de le salir et le dégrader, et surtout, ta façon de nier après chaque agression l'importance qu'elle a pour la victime. Ton impunité sordide chaque fois que tu touches à quelque chose qui était important pour l'autre, en face, chaque fois que tu bousilles quelque chose qui était crucial pour la personne en face, ton impunité sordide chaque fois que tu fais usage de ta sale force contractuelle. Ton pouvoir de proprio, légal. Et juste derrière tu votes à gauche, comme un bon socialiste.
Les pointeurs, entre eux aussi ils trouvent ça pas si grave, ce qu'ils font, entre eux aussi ils rigolent des victimes et trouvent qu'elles en rajoutent, entre eux aussi ils se trouvent juste super drôles.
On ne va pas revenir ici sur la génèse de l'affaire, par exemple je ne vais pas raconter la manière trop classique et toujours dégueulasse que tu as eu de m'imposer avant le tournage la signature d'un contrat dont je ne voulais pas entendre parler. On ne reviendra pas sur ta façon de passer voir l'équipe, un matin ou je suis en repérage à l'extérieur, et de les prendre à témoin un par un, à deux jours du tournage "si virginie n'a pas signé à midi je vous préviens le film s'arrête tout de suite", avec ta petite autorité précaire mais ton statue empêche qu'on se foute ouvertement de ta gueule. Tu t'es vu quand tu veux commander ? Enfin, bon... t'as de la chance d'être producteur, ça, on ne peut pas te l'enlever.
Contrat, quand on en reparle, que tu commentes toujours d'un "il est très bien ce contrat". Tous les patrons trouvent que le contrat qu'ils imposent aux employés est formidable, même à Shangaï, qu'est-ce que tu crois. Mais ce genre d'anecdote, je l'écrirai un jour en détails, dans un livre, tu le sais, godeau, on le sait tous, qu'un jour ou l'autre cette histoire qui est arrivée avec toi je la raconterai dans un livre. pas que j'ai que ça à foutre, t'emmerder. Mais qu'il faudra que je le fasse, ne serait-ce que pour ne pas crever. Je parlerai de toi, je raconterai comment j'ai vécu ce qui s'est passé. Exactement comme je suis revenue sur le viol, plusieurs fois, de plusieurs façons. Pour vivre avec. toujours s'occuper de ses ordures, retraiter, sinon on s'asphyxie.
Où j'en étais, déjà ? Philippe Godeau, vraiment, tous ces avocats pour mon blog... j'ai l'impression de vivre un baptème... je suis limite émue.
Tes avocats... le jour de la décision du conseil d'état d'annuler le visa du film, ils ne s'étaient même pas DÉPLACES pour te représenter et éviter que ça se passe en 24 heures. Maintenant qu'on porte plainte devant la cour europeenne, on apprend pourtant qu'en droit français, c'était le minimum, d'être représentés par des avocats. Ils devaient être trop occupés à lire des blogs...
J'imagine que ça t'énerve, ce blog. Puisque, souviens toi : tu avais déjà fermé le site du film "baise moi", avec son forum et tout ce qu'il y avait dessus, tu l'avais fermé sans prévenir. Parce que tu avais peur qu'UN JOUR on écrive un texte sur toi dans le forum. Pourtant, ça n'était jamais arrivé, pas le moindre dérapage. Moi, je n'y venais pas souvent, mais les filles y passaient tous les jours, donc on évitait de déconner et te donner une raison de fermer. T'as fermé quand même. Surtout, sans prévenir. Comme à ton habitude, tu as considéré que le site baise moi était entièrement, exclusivement, ta propriété, et tu l'as fermé, dans la nuit, sans prévenir. Un vrai petit chef.
Je m'en fous de savoir que légalement tu es seul propriétaire de ce film, Baise Moi. Légalement, c'est une chose. Dans la réalité, c'est nous quatre qui l'avons fait. Toi, t'étais en week end. Tout le temps, week end, week end, week end. T'étais pas là pendant le film, t'étais pas là pendant l'année qui a suivie. J'ai remarqué, dpuis, que quand tu fais un film avec Bonnaire et Dutronc, t'es de tous les festivals. Pendant baise moi, t'étais pas là, t'avais jamais le temps. T'avais bien raison. C'était pas marrant d'être debout devant des salles entières de journalistes haineux. C'était glauque, c'était flippant, c'était usant. On l'a fait parce que c'était notre film. Quand il s'est agi de l'assumer, chaque fois, t'étais pas là. Mais pour prendre des décisions merdiques, là, c'était toi le boss, le seul, le chef, le cerveau.
Un exemple ? comme s'il en pleuvait... On a fait un documentaire, en trois jours, on a trouvé caméra et équipe pour filmer des entretiens, on a retrouvé des images du making off, on a trouvé une monteuse et son matos, on a enregistré un commentaire off, tout ça rapidement parce qu'il fallait se dépécher pour les délais. Ensuite, nous, on l'a montré, on était très contentes de ce doc, et la plupart des gens à qui on le montrait le trouvaient formidables. D'ailleurs les anglais l'ont mis sur le dvd, l'ont apprécié et il en a souvent été question dans les interviews qu'on a donnés là bas après la sortie du DVD. Enfin bref, on avait goupillé un truc dont on était contentes toutes les 4, pour le dvd. Il n'est sur aucun dvd français. C'est la propriété de Godeau. On aurait voulu qu'il soit sur le dvd à la location, parce que pour une fois on s'exprimait un peu sur cette affaire. (eh ouais, tu te souviens, godeau, qu'on n'a jamais parlé nulle part ni écrit rien, à ta demande ? Enfin, celle de tes avocats, j'imagine. Fallait te faire confiance, c'était mieux pour la suite. Mais te faire confiance, ça a juste été se laisser étouffer sans protester). Pas de documentaire sur le dvd. Ta décision, unilatérale. Même pas tu nous as prévenues que ce qu'on avait fait servirait à rien, même pas tu t'es expliqué. Tu prends les décisions, on ferme notre gueule. T'es le prod, t'es le chef, t'es le boss, tu décides. Ok, Godeau. Moi, je considère qu'on en avait assez pris dans la face pour pas remanger froid derrière comme on l'a fait avec toi. Je m'en fous de savoir que le chef c'est le chef et nous on est que les connasses qui avons fait et défendu le film. Ça reste le notre. Même si légalement c'est toi le proprio, je m'en fous : c'est notre travail, pas le tien. Toi, ton truc, c'est les week ends, les vacances et les dejs en ville. (t'as vu comme je ne cherche pas les ennuis et vraiment je reste soft sur la critique de ce que tu es ???)
Je voulais pas que le dvd soit vendu à un soldeur. je t'ai écrit pour te le dire, sans hostilité superflue, dès que j'ai appris que t'allais dealer avec C. Discount. ça me fait CHIER que le film soit dans une version étalonnée VERTE avec une jaquette moche sans aucun bonus, sans rien de marrant, avec des mecs dont on a rien à foutre et qui ne nous ont même pas envoyé un exemplaire du dvd, on l'a découvert à 1 euro 5 sur internet. On n'avait pas besoin, de nous même, de rabaisser le truc comme ça.
Et bien sûr que le concept : on vend à des soldeurs pour pas une thune, m'a pas plû. Encore, on se serait fait mettre pour un paquet de thunes, j'aurais compris TA démarche. Mais là, vue la misère qu'ils ont payé pour avoir les droits ad vitam eternam d'exploiter ce film en version verdatre, je la comprends pas ta démarche... t'as beau répéter "mais personne n'en voulait de ce film": fallait pas le vendre. si personne n'en veut, on le garde. Je sais pas si t'as remarqué, y avait d'autres éditions étrangères du dvd, en version très bien, étalonnée et tout. Alors pourquoi le sortir à toute force tout de suite en France ? Contre l'avis des réalisatrices. Comment tu peux imaginer qu'ensuite je vais bien le prendre ? T'as pas remarqué que ça nous tenait un peu à coeur, ce film ? Oups, t'as oublié qu'on avait pas fait que rigoler ?
T'as choisi d'utiliser ta force, systématiquement ? Moi, je choisis d'ouvrir ma grande gueule.
Tout le temps, t'imposes ton avis, comme si t'étais seul propriétaire. en pointeur. Que ton coté qui compte et si ce que tu prends n'a pas de valeur pour toi alors tu refuses que ça en ait dans le coeur de celui à qui tu prends. Mais moi, ce film, jamais, pas une minute, je ne m'excuse de l'avoir fait. Donc, forcément, ça ne nous met pas sous les mêmes lattitudes.
Je continuerai bien cette lettre pendant des dizaines de page, mais en fait j'ai autre chose à faire. Et un doute sur l'intêret que ça peut susciter chez les gens. Mais j'y reviendrai, je ferai un livre, Philippe Godeau, promis, je ferai un livre détaillé sur pourquoi je pense que t'es le prototype du propriétaire socialiste qui veut non seulement exercer ses pleins pouvoirs mais encore qu'on le trouve sympathique. Le prototype du chef moderne, toujours prêt à exercer sa force sur plus faible que soi, comme toujours prêt à se coucher - soumission maximale - devant plus fort que soi. Une certaine idée de la gauche.
Bien sûr, "grace à toi" ce film s'est fait, on peut pas t'enlever ça : tu l'as fait.
Mais maintenant que je te connaîs je sais tellement que c'était une erreur de ta part, une grossière erreur, je peux pas te garder de l'estime pour ça.
Dans cette lettre ouverte, il y a tellement de choses que je tais sur ce que je sais.
Bon, en attendant, je ne peux toujours pas envoyer de mails, et ça, faich.
Une belle journée radieuse m'attend pour m'enchanter : enregistrement grosses têtes, enregistrement de Ruquier. Hier, j'ai rencontré Lola Lafon, et quand je lui ai annoncé ça j'ai crû qu'elle allait me prendre dans ses bras et me dire que je pouvais pleurer.
Et hier, moi aussi j'avais des doutes sur : est-ce que je devais y aller. Mais aujourd'hui, je me dis que ça sera peut être l'occasion de parler de Philippe Godeau, et cette pensée m'accompagne sur ma route et me fait siffloter.
Allez, bonne journée à tous !"