Aragorn, qui décidement n'a rien d'autre à faire que de me poser des questions (LOL), m'envoie cette question par mail (il a pourtant mon numéro de téléphone, mais bah...) :
"Durant les films, on peut voir assez régulierement 4-5 fois par film, en haut a droite de l'ecran une tache noire apparaitre 2-3 fois rapidement puis disparaitre, si je ne me trompe pas, cette tache signifie au projectionniste qu'il doit changer de bobine, or de nos jours je pense que tout cela a du s'informatiser un petit peu, et je voulais savoir si ce repere était encore nécessaire ?"
Ma réponse :
L'existence des complexes cinématographiques, depuis le début des années 70, puis l'apparition, 25 ans plus tard, des multiplexes, regroupant plusieurs salles de projection dans un même ensemble, n'a eu d'intérêt qu'en raison du développement de l'automatisme des équipements de projection. L'automatisation de ces équipements est actuellement telle qu'il est possible (même si ce n'est pas souhaitable) à un seul opérateur d'assurer le fonctionnement normal et la surveillance de plusieurs cabines simultanément.
Dans l'ensemble, les équipements actuels entrent dans 2 catégories :
- Les semi-automatiques (les plus nombreux, comprennent les projecteurs solos recevant des bobines de grande capacité, les projecteurs munis de plateaux dérouleurs horizontaux, ...)
- Les tout-automatiques (20 à 30% du total, dont les projecteurs munis de plateaux à dérouleurs dits "sans fin").
Cependant, "dans l'ensemble" ne veut pas dire "totalité". En effet, le système dit "à double poste", où l'opérateur doit être présent afin de synchroniser 2 projecteurs successivement, entièrement manuellement, perdure. Pour l'exemple, le très extraordinaire Palais des Festivals, à Cannes, fonctionne encore et toujours de cette façon.
Comment ça fonctionne ? Simplement ! (je schématise au maximum à des fins pédagogiques) :
Prenons un film d'une durée de 40mn. La copie arrive sous forme de 2 boites (du même modèle que celles que vous avez déja tous vu) contenant chacune 600 mètres (20 minutes) de pellicule. Nous allons mettre la 1ère bobine sur le projecteur A en ayant pris soin de faire 8 repères en fin de pellicule : 4 repères sur 4 photogrammes successifs à huit secondes de la dernière image (indication du lancement du moteur du projecteur B par l'opérateur, sur lequel aura été positionné la seconde bobine, pour qu'il atteigne la vitesse du projecteur A) et 4 repères sur 4 images à une seconde de la dernière image (indication de l'ouverture des volets images/son sur le B et d'arrêt du moteur du projecteur A).
Alors, est-ce que ce repère est encore nécessaire ?
Sachons qu'historiquement, il était du devoir des opérateurs de réaliser les différents marquages sur la pellicule (qui lui indiquaient donc, dans l'ordre, quand lancer le deuxième projecteur pour qu'il atteigne la vitesse du premier, puis quand envoyer l'image et le son sur le deuxième projecteur tout en faisant le contraire sur le premier).
Il est, pour un opérateur qualifié, relativement facile de tracer de beaux repères pour les changements de bobines. Il est possible d'utiliser le crayon gras (blanc, mais sur du noir et blanc ou sur des films très sombres, il faut bien reconnaître que c'est pas toujours évident surtout si en plus les copies sont sales et poussiéreuses) ou encore de gratter ou de perforer (c'est la moins recommandable des façons de "marquer" la pellicule) et le plus proprement possible vu que c'est irrémédiable.
Malgré tout, chaque opérateur ayant ses propres "tics", de nombreux projectionnistes refaisaient leurs propres marques au fur et à mesure que les copies changeaient de site, ce qui finissait par rendre les repères de changement parfaitement "illisibles" et, au mieux, les copies grasses (au pire, rayées).
Mais avec le progrès technologique, il existe depuis quelques années un système bien plus simple. C'est le marquage laser directement sur la copie (l'internégatif) qui servira de matrice aux copies d'exploitation, et ce dès son tirage. Sachant qu'une copie, au cours de sa "courte" vie, passera quasi-forcément par un petit exploitant, ce marquage "idéal" est donc toujours nécessaire, sinon utile (et ça a quand même son charme, non, ce vestige d'une autre époque).