La question (reçue par mail via le site):
"Bonjour,
Je viens de découvrir ton blog. Dans "La Vie vue par les Américains", j'ai ri à la lecture de :
"14- Les cuisines n'ont pas d'interrupteurs. Quand vous entrez dans une cuisine la nuit, vous pouvez ouvrir la porte du frigo et vous servir de cette lumière."
J'ai passé quelques jours aux Etats-Unis cet été, et malgré la fascination que cette civilisation exerce honnêtement sur moi, il y a tellement à dire sur ce peuple, de drôle et de moins drôle...
Bref.
Je suis une abonnée illimitée au réseau Pathé-Gaumont-MK2 et m'interroge sur la chose suivante :
Nous devons être entre quelque chose comme 100 000 à 200 000 personnes dans le même cas, et nous ne recevons jamais d'offres promotionnelles, quelque soit le moyen de communication. Le GIE Le Pass possède pourtant un actif non négligeable avec cette base de données d'adhérents, mais qu'il n'exploite pas du tout.
Toi qui travailles dans l'exploitation cinématographique, a fortiori dans ce réseau mainfestement, saurais-tu m'expliquer pourquoi une telle initiative n'a pas encore vu le jour ?
J'ai aussi vu dans tes cinés tribulations que le CNC changeait de dirigeant prochainement. Dans quelle mesure, d'après toi, faut-il s'en inquiéter ? N'est-ce pas de bonne guère, même si sur le principe extrêmement énervant, que le pouvoir en place installe ses pions aux instances stratégiques du pays ? Il en a récemment fait de même avec Radio France, me semble-t-il... Doit-on objectivement craindre pour la liberté d'expression, je veux dire plus qu'avec un gouvernement de gauche ? Je conçois que pour la continuité des travaux engagés, la nomination, alternativement, de ses amis puis de ses ennemis, ne soit pas très constructive. Le bilan de David Kessler est-il bon ? Quels sont les grands dossiers qu'il a traités pendant l'exercice de ses fonctions ?
J'étais jusqu'à très récemment une simple spectatrice de films, mais m'intéresse désormais un peu plus aux dessous du métier. C'est dans cette perspective que je pose des questions...
Merci d'avance de tes réponses,
Lise"
Ma réponse :
Tout d'abord, merci de me lire...
1) Au sujet de la carte PASS, malheureusement, je suis incapable de répondre de manière exhaustive. Je crois savoir que le nombre de cartes PASS en circulation est bien inférieur à tes chiffres (et quand je bien "bien inférieur", c'est réellement bien inférieur), mais les données sont confidentielles, même en interne.
Concernant le fait que les possesseurs de cartes ne reçoivent jamais d'offres promotionnelles (avants-premières, réduction sur la confiserie, journal spécifique), notons que cela avait été effectivement prévu au moment du lancement de la carte sur Paris.
Il était prévu de le faire pour affronter de manière cohérente la carte concurrente. Cependant, il semblerait que la différence de qualité des salles (en faveur des salles Gaumont) a largement suffi à compenser le fait que la carte UGC (merde, je voulais pas les nommer !!!) soit accessible depuis les bornes Prompto à contrario de la carte PASS uniquement utilisable en caisse.
Il n'est pas impossible qu'une politique commerciale plus agressive remette au gout du jour l'idée d'une communication plus poussée à l'encontre des "cinéPassphiles". Remarquons seulement que dans de nombreuses villes de province où UGC dispose de sa carte face à Gaumont ou Pathé, notre groupe n'a pas perdu de part de marché.
Enfin, il n'est pas impossible non plus qu'Europalaces (nom officiel du groupe Gaumont-Pathé) passe à la vitesse supérieure (à celle d'UGC il y a encore peu de temps) et décide d'installer une carte PASS "locale" partout en France, mais ça, c'est une autre histoire !!!
2) Le CNC change assez régulièrement de Directeur.
De fait, les sympathies politiques des directeurs du CNC n'ont, jusqu'à maintenant, guère eu de conséquences sur la gestion des différents dossiers. Il existe un certain consensus dans ce domaine. Qu'il s'agisse de la préservation de la politique publique de soutien au cinéma français ou plus généralement de l'exception culturelle, on ne voit guère de différence entre droite et gauche.
On ne doit pas non plus TROP craindre pour la liberté d'expression, le lobby de l'image étant suffisamment fort (à mon sens) pour résister à un quelconque barrage (qui ne semble pas exister pour l'instant).
Il faut donc chercher ailleurs le frein éventuel que représente la nomination de Catherine Colonna à la Direction du CNC :
Si face à une Commission européenne ultralibérale, alors que le dossier des aides nationales à la production cinématographique n'est pas bouclé, c'est un atout d'avoir quelqu'un qui vient du Quai d'Orsay, cela suffira-t-il (comme l'indique Thomas Sotinel dans un article paru dans Le Monde récemment) pour "gouverner une institution qui doit accompagner la profonde mutation du cinéma, bousculé par la dislocation du système de financement qui s'était mis en place autour de Canal + et par le développement des technologies numériques ?".
Une mission d'évaluation de l'efficacité du CNC vient justement d'être confiée par David Kessler à Manuella Isnard. Cette dernière vient de quitter le service de presse du... ministère de la culture, après avoir travaillé au RPR, au cabinet de Philippe Séguin et à l'Elysée. CQFD.
Enfin, le bilan de David Kessler est-il bon ? En tout cas, on ne peut pas dire qu'il soit mauvais !
Depuis sa nomination en mars 2001, il s'est attaché à régler grand nombre de problèmes. Bien qu'arrivé à une époque d'embélie pour le cinéma français, il a pu noter, grace en particulier à un rapport qu'il a dirigé et intitulé "L’ŒUVRE AUDIOVISUELLE", les difficultés de communication existantes au sein d'un secteur plus que multiple mais à fait en sorte de les aplanir. Il a suivi bon nombre de dossiers difficiles dont la réforme du soutien, la défense des aides d’État à Bruxelles, mais aussi la réforme du Cosip. Enfin, il a dû faire face à l'explosion du DVD et à la montée du téléchargement (et donc la naissance de la piraterie d'envergure).
Je souhaite maintenant à sa suivante d'être aussi en phase avec l'ensemble de la profession que ne l'aura visiblement été David Kessler (son premier autobilan).