J'ai rencontré le père de mes filles j'avais 16 ans...
C'était en 1977.. Nous étions un groupe de 3 copines, et j'étais la premiere à avoir une relation..
Bah !! Je pense que je devins de suite infréquentable... mais franchement j'étais tellement amoureuse que je n'entendais rien et ne voyais rien d'autre que lui.
Je n'avais rien à cacher, contrairement aux filles de l'époque qui vivaient en cachette des histoires d'amour ou "de cul" pour faire croire qu'elles étaient des oies blanches et rester ainsi des jeunes filles respectables... Hypocrisie totale !!
Moi, j'emmerdais déjà les biens pensants : J'avais 16 ans, j'étais amoureuse et je ne vois pas en quoi cela les regardait. :-)
1 mois avant mes 17 ans, j'apprenais avec joie que j'étais enceinte. Ce n'était pas le fruit du hasard : nous attendions chaque mois, cette bonne nouvelle. Nous étions peut-être, sans doute, un peu fous, mais nous nous aimions...
Je quittais l'école et trouvais de suite un emploi à la Caisse d'Allocations familiales... NON je ne rigole pas !! Je ne touchais pas les allocations, je TRAVAILLAIS au Service du Personnel de la CAF. Ils me firent un contrat qu'ils renouvelèrent jusqu'à la veille de mon congé maternité.
Je pense, mais personne ne m'a jamais rien dit, que j'ai du être fortement critiquée : J'avais 17 ans, j'habitais encore chez mes parents. et le pire sans doute, c'est que je portais fièrement cette grossesse, heureuse à l'idée d'être bientôt mère.
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Sans que j'ai eu besoin de le lui dire, ma mère avait su dès les deux premières semaines, que j'étais enceinte.. Elle ne m'avait pas jugée ; elle m'avait juste dit :" C'est ta vie, tu l'as voulu cet enfant.. Maintenant cherche un travail pour le nourrir" Ou un truc comme ça, mais plutôt sympa.. Pourtant, elle avait dû être déçue : j'étais sa première fille et je pense qu'elle avait du espérer que je fasse les choses dans l'ordre : Rencontrer quelqu'un, me marier, et ensuite avoir un enfant...
Je savais en outre, qu'elle n'avait pas franchement de sympathie pour le futur père. Cependant, elle était là pour m'accompagner quelque soit mon choix, (et dans le futur, mes choix) de vie.. et c'était bon de le savoir..
Mon père lui, ne m'avait rien dit... Il était le même, un père distant, qui maintenant que le temps a passé, ne savait sans doute pas comment établir une relation avec nous.. Il n'était ni méchant, ni gentil ; il était là.. Ma mère avait du lui dire que j'étais enceinte, mais je n'eus jamais aucune réflexion à ce sujet... Nous n'avions pas l'habitude de discuter, cela ne changeait donc rien. Il voyait mon ventre s'arrondir avec les mois qui passaient.. et attendait.
J'avais "la tête dure" comme on dit chez nous :-)... Mon père avait durant 9 mois, ignoré ma grossesse.. Pendant mon séjour à la maternité (8 jours à cette époque) il n'était pas venu me voir.. Je ne crois pas avoir non plus, attendu sa venue...
Lorsque j'étais revenue à la maison, ma chambre étant de suite à l'entrée, j'y étais entrée directement et avais déposé ma fille dans son berceau. J'étais allée lui dire bonjour : il était assis dans son fauteuil, lisant son journal... Je l'avais embrassé.. Il m'avait embrassée... comme si je rentrais d'une journée de travail et j'étais repartie défaire mes valises et m'organiser... sans plus me préoccuper de lui.
A midi, ma mère étant rentrée déjeuner, je l'avais suivie dans la cuisine pour papoter... Lorsque j'en étais ressortie, il n'était plus dans son fauteuil.. Je m'étais dirigée vers ma chambre et l'avais aperçu, penché sur le berceau de ma fille, les larmes aux yeux, lui caressant ses petites mains.. et lui parlant doucement..
Cette image est toujours vivace aujourd'hui et rien que d'y penser, cela me procure une grande émotion... Je n'ai jamais compris cette distance que mon père avait avec nous, pourquoi il était ainsi.. Je sais qu'il m'aimait.. Il ne m'a jamais frappé, rarement disputé.. L'on ne partageait rien : 'il vivait juste avec nous sous le même toit .
Un peu plus tard, il la tenait dans ses bras... :-)
Mon père avait une tendresse particulière pour ma fille.. et plus tard, mes filles et elles le lui rendaient bien.... Il est décédé, il y a 14 ans ; Je sais que sa disparition a été très difficile pour mes filles car pour elles, il a été un vrai grand père, à défaut d'être un bon père pour nous...
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Ce 14 mars, lorsque j'avais ressenti les premières contractions, je m'étais préparée tranquillement et j'avais prévenu ma mère qui était au travail.. "Vis ton accouchement petit à petit.. et n'écoute pas tout ce que l'on a pu te dire.. car un accouchement ne ressemble pas à un autre.. " avait été son précieux conseil
Je l'avais suivi .. Je n'étais pas inquiète, je n'avais pas peur.. J'étais sereine..
Arrivée à l’hôpital vers 10h, détendue, j'avais dormi presque toute la journée.. Le travail se faisait doucement, tranquillement.. Ma mère était passée me voir vers 17h, juste avant que l'on me conduise en salle de travail... Le père de mes filles étaient arrivé et m'y avait rejointe.
Entre la péridurale et les douleurs de l'accouchement, j'avais choisi : Je préférai les douleurs à cette grande aiguille qu'on allait planter dans mon dos.
Deux heures après, j'étais maman pour la première fois.
J'avais 18 ans.. moins deux mois...
J'étais romantique.. j'étais innocente et amoureuse. heureuse et comblée... J'avais une fille, un homme que j'aimais et qui m'aimait, c'était le bonheur...
Je ne savais pas encore qu'un homme peut vous dire "je t'aime" et se retrouver quelques minutes après dans les bras d'une autre..
J'avais 18 ans...
J'étais plutôt mure et j'étais rentrée dans mon rôle de mère sans difficulté.. Je m'occupais de ma fille à plein temps.. en même temps qu'un autre enfant d'une voisine..
Lorsque vint l'été, je me rendis compte qu'avoir un enfant entraîne obligatoirement de respecter certains horaires, et imposait des contraintes.. Je voulais bien les avoir, mais je me rendais compte qu' elles étaient pour moi seule.. Avec l'arrivée de ma fille, ma vie avait changé... pas trop celle de son père. JC travaillait, passait me voir et voir ma fille chaque jour... mais continuait à mener sa vie de jeune homme de 23 ans..
Pour lui, le soir, vers 18h, c'était les parties de football, auxquelles j'avais auparavant l'habitude d'assister... Pour moi, c'était l'heure du bain.. du dîner et du coucher de ma fille..
Je me sentais frustrée.. Mon bien aimé travaillait toute la journée, et même s'il passait nous voir chaque jour, nous passions moins de temps ensemble..
Pendant une courte période, je pris l'habitude de rentrer, donner le bain et le repas du soir, et sous prétexte de sortir le chiot qu'il m'avait offert, je courrai grappiller quelques minutes auprès de lui. laissant la garde de ma fille à ma jeune sœur et ma mère...
3/4 d'heure... une heure peut-être...
Je n'aurai pu faire plus.. ma mère m'aurait vertement réprimandée...
Je dus sans doute, commencer à rallonger mes moments d'absences... car ma mère ne tarda pas à me coincer entre deux portes... "Même la pharmacienne m'a dit qu'on se demande si tu as accouché d'un chiot !!" me lâcha-t-elle un soir !!!
Mon cœur se brisa instantanément... Je fus blessée au plus profond de moi !!
Comment cette femme avait-elle osé dire cela ?? Comment pouvait-elle penser cela de moi !!? (pourtant je l'aimais bien cette pharmacienne qui m'avait vue grandir) J'ETAIS UNE MERE !! Je ne voulais pas, je ne permettais pas qu'on en doute..
Mais j'étais également une femme... une femme éperdument amoureuse ...
J'avais 18 ans...
Sans doute attendaient-ils tous le faux pas.. celui qui permettrait de dire que j'étais l'écervelée vicieuse, engrossée et incapable de gérer mon enfant..
J'avais 18 ans...
J'étais mère d'une petite fille de 4 mois et j'avais juste voulu être, quelques minutes par jour, également la femme de son père...
Repenser à cette phrase, même 35 ans après, me glace le sang, me blesse..
J'avais 18 ans...
Ce fut là fin..
Ce fut la dernière fois que je sortis le chien...
Ce fut la dernière fois que j’assistai à un match de foot..
Ce fut la dernière fois, que je laissai ma fille..
Ce fut la dernière fois que le père passa avant mon enfant, et plus tard, avant mes enfants... (Bon vous l'aurez noté.. j'aurai pu dire "notre", et "nos"" mais on ne me refait pas.. :-) )
Un épisode de 15 jours maximum.. bien moins sans doute.. que j'ai relaté en un partage d’expérience, quand par la suite, j'ai aidé des mères seules.. Un passage que j'ai raconté à mes enfants, à mes amies, car je n'ai rien à cacher...
Un passage qui m'a permis de déculpabiliser plein de jeunes mères... Mères isolées ou pas d'ailleurs... Nous sommes mères, et nous sommes femmes.. Les biens pensants nous demande de rester mère et de rester femme.. Ce n'est nullement du à l'age, ni à un statut social, plutôt au fait que lorsque l'on devient mère, l'on ne se peut se rendre compte qu’après, et même si on le sait, même si l'on s'en doute, que l'on est dorénavant, si l'on n'a personne pour nous seconder, liées à jamais à un petit être qui dépendra totalement de vous durant au moins les 3 premières années de sa vie..
Cette sensation de dépendance, aussi fugace soit-elle, on la ressent quelque soit l'âge.. Cela ne se dit pas.. Cela ne se fait pas de penser ces choses là : Nous sommes mères et devons être dévouées corps et âmes à la chair de notre chair....
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J'avais 18 ans..
J'étais mère..
Je l'ai toujours été..
Ces mots blessants, injustifiés à mon sens, furent les seuls que j'ai retenus
Nous étions en 1979, j'avais 18 ans, on m'attendait au tournant... J'avais juste commis le crime, quelques fins d’après midi, de laisser ma fille à des personnes de confiance pour être avec son père. J'avais été jugée indigne et incompétente...
A cette époque déjà, je ne tolérais pas que l'on me salisse ou qu'on ternisse mon image de mère.
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A partir de ce moment, je me consacrai entièrement et totalement à ma fille, délaissant quelque peu le père, il est vrai... Je me contentais de ces venues journalières et parfois nous allions toutes les deux le retrouver chez lui...
J'étais bien..
J'avais été embauchée à la Sécurité Sociale.. Ma fille était gardée deux étages en dessous par une nourrice qui m'avait vue grandir également..
J'avais hâte de la retrouver chaque soir, après ma journée de travail, souvent avec une surprise ...
J'étais heureuse..
J'avais un enfant.. un homme qui m'aimait... Nous allions avoir un appartement et donc, bientôt vivre ensemble et former une jolie petite famille...
Pfftt!!!
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La chute fut rude..
Je l'appris à mes dépends quelques mois plus tard
Ce fut brutal,.
En une seule phrase toute ma vie bascula...
" JC et moi on est ensemble depuis 6 mois et on va se marier.." me dit la maîtresse.. ( A moins que la maîtresse, ce fût moi ??? )
Ma fille avait 9 mois.. et depuis peu j'attendais mon deuxième enfant.. (peu d'étreintes mais productives !! :-) )
"Il a dit que vous avez fait exprès de tomber enceinte... " ajouta-t-elle
Je crus que j'allais mourir... mais malheureusement ou heureusement, même quand la douleur est trop forte, on ne meurt pas pour ce genre de chose..
J'avais l'impression de vivre un cauchemar.. J'allais me réveiller et rire de ce mauvais rêve.. Cela ne pouvait pas être possible ; cette femme était folle... complètement folle..
../...
Au fond de moi, au ton assuré et provocateur de sa voix, je savais qu'elle disait vrai..
Mais je ne voulais pas... Il ne fallait pas que ce soit vrai..
Il ne fallait pas que mon rêve se brise..
J'avais 18 ans...
et pour la seconde fois, j'allais être maman
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L'homme était coureur mais m'aimait plus que tout.. (Cela vous semble incompatible ?? a moi aussi.. mais pas à lui..) Il avait préféré mentir comme un arracheur de dents... Il aurait fait n'importe quoi pour ne pas me perdre.. Il l'insulta, la menaça devant moi, cria... Je me mis à douter de la véracité des faits ...
Pour moi, qui ne voulais pas briser mon rêve, malgré les signes évident, malgré les incohérences, en un premier temps, j'avais préféré le croire...
Mais quelque chose s'était brisée..
Quelques jours plus tard, ayant perdu toute confiance, je l'envoyai rejoindre sa maîtresse, décidant qu'il valait mieux être seule que mal accompagnée..
Apres le choc, et parce que rien n'est insurmontable, je poursuivis ma grossesse, entourée des miens, de ma mère, toujours présente, qui ne me jugeait jamais, de mes amies.. et en me réconfortant en serrant ma fille fort dans mes bras lorsque parfois, le chagrin me submergeait..
Je pense bien que les commérages devaient aller bon train dans cette cité où j'avais grandi, dans laquelle tout le monde se connaissait ... Mais personne ne vint jamais me dire quoique ce soit.. et aucun ragot ne me fût jamais rapporté..
Je me souviens l'avoir croisé un jour, avec sa maîtresse ; J'étais enceinte de 7 mois.... J'avais cette jolie robe à carreaux marron et beige que j'adorais.. Je me promenais avec ma mère.. Nous bavassions tranquillement quand leur voiture vint se garer à quelques mètres de nous.. Nous nous retrouvâmes face à face....
Mon cœur se serra.... Cela faisait trois ou quatre semaines que nous ne nous étions vus.
"Lève la tête.. Garde le sourire.. Sois fière de toi... et continue d'avancer.. " me dit ma mère de suite...
Je fis ce qu'elle me dit et nous poursuivîmes notre chemin, sans lui jeter un regard.
M'avoir vue avait du le remuer un peu, car le lendemain il sonnait à ma porte, me demandant pardon et m'avouant qu'il m'aimait toujours..et qu'il ne voyait pas sa vie sans moi, ma fille et mon futur enfant...
Je suis quelqu'un d'entier.. Je n'ai pas de demi mesure..
L'aimais-je encore ?? Je ne sais pas... je pense que oui mais les raisons premières qui me poussèrent à le reprendre, n'avaient aucun lien avec l'amour...
Je venais d'avoir 19 ans... et à 19 ans, on ne réfléchit peut être pas comme il faut...
Je l'autorisai à refaire partie de ma vie... dans un seul but : Clouer le bec à sa maîtresse et dire à tous ceux qui guettaient ma chute : "Je savais qu'il reviendrait"...
Bah !!! J'avais 19 ans.....
Il était le père de ma fille, bientot de "mes" filles.. et il m'aimait..
La vie de couple fut tumultueuse, théâtrale.. L'homme était infidèle notoire.. Mais prêt à tout pour ne pas me perdre.. Il s'auto mutilait, pleurait à chaudes larmes, menaçait de se tuer, de nous tuer pour me convaincre de sa sincérité..
Je savais qu'il mentait, mais avant d'en être pleinement convaincue, l'eau coula sous les ponts..
Quelques années plus tard, après moult mensonges et infidélités.. Apres moult séparations et réconciliations.. .. Apres moult menaces...
Je le quittai..
Merci encore à cet océan de 8000 kilomètres... qui me permit de le faire.. ;-)
J'étais libre...
Après avoir eu le pire des manipulateurs, j'étais blindée et prête à affronter la vie..
Plus aucun homme ne pourrait me berner... J'avais été à bonne école..
.../...
S'il y avait une chose dont j'étais sure, c'est que je n'aimerai plus jamais personne... aussi fort.. aussi intensément...
Plus jamais...
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Nous étions en 1983..
J'avais 22 ans.. deux enfants...
Et...
Ce n'était que le début.... d'accord d'accord...
:-)
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