Avant de quitter les lieux, nous avons acheté du ravitaillement pour au moins trois jours. De nombreux marchands sont venus directement à notre campement vendre de bons produits. Nos chariots sont encore un peu plus lourds mais il vaut mieux prévoir. La carte sur laquelle est tracé notre nouvelle destination sera peut être notre étape la plus courte. Donc même avec un poids supérieur les percherons auront assez de force pour tracter les chariots sur une petite distance. Avec un retard de trois heures nous avons enfin quitté notre camp. Nous voilà en route pour la ville de MOFFAT un peu perdue dans les collines. J'ai rejoint ma troupe d'éclaireurs. Non seulement pour être proche des gens que j'aime mais pour soutenir le Sergent LEONARD qui sera notre représentant ce soir. En fait ils seront cinq à prétendre au titre de meilleur conteur d'histoires. Le Frère SHAUN et le Frère PASCALUS ont fait savoir qu'ils soutenaient le Frère SPINELLI. GUILLAUME DE TOURVILLE en tant que chef du convoi doit rester neutre mais je sais qu'il soutiendra moralement SPINELLI. Restons futés et optons pour des textes courts et laissons SPINELLI s'enliser comme à l'accoutumé dans des descriptions sans fin.
SERGENT LEONARD
« Et s'il pense comme nous?»
PH DE BEAUNE
« Non! SPINELLI ne peut pas penser comme nous !»
PIERRE le vosgien
« Chut !!! Nous avons un visiteur.»
PH DE BEAUNE
« C'est bon je le connais, c'est PHILIPPE DE BRANCION?
Alors comment tu vas mon lapin?
A qui apportes-tu ton soutien?»
PH DE BRANCION
« Malheureusement pas à LEONARD, je soutiens l'équipe des archers.»
PIERRE le vosgien
« Mauvais choix, GAETIEN ne passera pas le deuxième tour.»
PH DE BRANCION
« PIERRE si tu n'étais pas ami avec LEONARD, je sais que tu aurais soutenu GAETIEN, vous n'êtes que deux fouines mordues au même sang.»
PH DE BEAUNE
« Cher PHILIPPE mes deux fouines resterons avec moi, je connais GAETIEN il est très bien, mais contre SPINELLI et LEONARD, tu as perdu.»
PH DE BRANCION
« Mon cher PHILIBERT la soirée n'a pas commencé.»
PH DE BEAUNE
« Je sais, mais tu as quand même perdu!»
Je penses que PHILIPPE DE BRANCION est venu aux nouvelles d'une façon très cavalière, je suis certain que les autres en feront autant, manière d'essayer de couler l'adversaire. Je sais que LEONARD peut vaincre le Frère ROBERTO, il faut juste y croire et j'y crois.
SERGENT LEONARD
« Dis moi Chevalier, quand tu as salué le Frère PHILIPPE, tu l'as appelé mon lapin!»
PH DE BEAUNE
« Oui, c'est une vieille histoire entre nous.»
SERGENT LEONARD
« Ton lapin m'a rappelé à moi aussi une veille histoire, venez, suivez moi je vais vous la conter.»
Le Sergent LEONARD me surprendra toujours, maintenant je suis sur qu'il marchera sur le manteau de SPINELLI. Les lapins ! Eh oui Les lapins. La victoire est pour nous, sauf bien sur si SPINELLI nous conte cette histoire et je suis persuadé qu'il la connait. Tous les châteaux et commanderies de FRANCE ont eu vent de cette cantate dont bons nombres de ménestrels l'ont accompagnée au flutiau. Ils nous faut une porte de sortie au cas où le pire se présenterait.
Après avoir dépassé le village de BEATTOCK, nous devrions voir un lac. Sur ma carte il est pointé au sud de la ville de MOFFAT. Tout comme LOCKERBIE nous resterons en dehors du périmètre de la commune. Ce qui permettra aux chevaux de manger en liberté.
Comme nous sommes bien rodés à cet exercice nous n'avons aucune peine à monter notre camp. Maintenant que nous sommes installés, préparons notre repas du soir. Après une journée comme celle-ci c'est le plus important.
PH DE BEAUNE
« PIERRE va me chercher LEONARD, il faut revoir nos plans.»
En franchissant le seuil de ma tente j'ai vu de suite que LEONARD se posait beaucoup de questions.
SERGENT LEONARD
« Quel est le problème?»
PH DE BEAUNE
« SPINELLI «
SERGENT LEONARD
« Il connait l'histoire des lapins?»
Cette histoire de lapins est très ancienne elle se racontait déjà du temps de ma grand mère. Mais depuis une bonne génération elle n'a plus cours. Les contes vivent ce que vivent les contes et avec l'arrivée de l'automne les feuilles s'en vont. Les nouvelles guerres amènent de nouveaux récits et les nouvelles connaissances aussi.
PH DE BEAUNE
« Un soir dans la cave à KENDAL, le moine BEREM n'a conté un fait important qui s’est passé dans leur contrée, un baron sanguinaire passait ses nuits à enterrer vivants tous ceux qui représentaient pour lui une menace. Jusqu'au jour où c'est lui qui a fini dans le trou.»
PIERRE le vosgien
« C'est ça notre porte de sortie?»
PH DE BEAUNE
« Ne t'emballe pas comme un cheval fougueux, transformons un peu cette histoire pour en faire quelque chose qui n'a jamais été entendu par les oreilles de SPINELLI.»
SERGENT LEONARD
« Si le tirage des dés m'est défavorable, que faisons-nous?»
PH DE BEAUNE
« On ira pisser contre un arbre !»
PIERRE le vosgien
« Nous nous sommes réjouis comme de jeunes cochons devant une auge plein de farine.»
PH DE BEAUNE
« Pour l'instant nous n'avons pas perdu et si l'on gagne nous prierons pour BEREM.»
SERGENT LEONARD
« J'utiliserai ma pièce d'argent pour faire appel à toi pour être ma voix.»
PIERRE le vosgien
« Nous te laissons CHEVALIER pour mettre de l'ordre dans tes pensées, à tout à l'heure.»
Dans nos joutes, la pièce d'argent sert en dernier recourt, c'est un appel à l'aide. L'orateur reste au centre face à l'assemblée qui vote à main levée pour valider le conte. Si la pièce d'argent change de main dans le but ultime d'assurer la victoire, c'est l'orateur qui est déclaré vainqueur et non celui qui lui prête sa voix. Ce qui ce passera tout à l'heure ne dépend que du tirage des dés. Si le Sergent LEONARD sort en tête, il sera libre de dire son conte sur les petits lapins coupant ainsi l'herbe sous le pied de SPINELLI et je n'aurai pas à intervenir au final. Et dans le cas contraire, je ferai de mon mieux pour convaincre tous les frères de désigner LEONARD vainqueur. Il va de soit que le Frère SPINELLI peut lui aussi faire appel à une voix, mais il ne peut en aucun cas choisir un membre du camp adverse.
Allons boire et manger, il nous faudra des forces pour cette nuit.
Nous sommes prêts. Cette joute verbale est un instant très prisé car il renforce les liens en apportant un peu de divertissement dans notre monde, ce qui est rare. Les joutes ne peuvent se faire qu’en dehors des maisons pendant un déplacement de campagne et celui-ci en est un.
A SHAUN
« Que les conteurs s'avancent au centre pour recevoir la pièce d'argent.»
Le conteur qui n'arrive pas à capter l'assemblée est vite éliminé. Les Frères votent à mains levées ce soir c'est le Frère TREVOR PEGG qui est chargé des comptes.
Au second tour, ils n'étaient plus que trois. Le Frère SPINELLI, l'archer GAETIEN et notre bon LEONARD. Au troisième tour GAETIEN a du s'incliner par manque d'expérience seulement.
G DE TOURVILLE
« Sergent LEONARD, Chevalier SPINELLI avancez vous pour le choix des dés. Chacun à votre tour veuillez mettre la main dans le sac et retirer un dé. »
G DE TOURVILLE
« Dé rouge pour le Sergent LEONARD et dé blanc pour le Chevalier SPINELLI. Lancez-les en l'air.»
Tout se joue à cet instant ; Une fois que les dés sont immobiles au sol, on peut dire que la partie se joue à l'annonce des chiffres.
G DE TOURVILLE
« Sergent LEONARD »
SERGENT LEONARD
« 2 »
G DE TOURVILLE
« Chevalier SPINELLI »
ROBERTO SPINELLI
« 4 »
Bon! La chance n'est pas avec nous, d'un autre côté le 4 ne porte pas chance à SPINELLI. C'est le 4 qui lui a fait perdre sa dague. Nous allons certainement avoir droit à l'histoire des lapins mais nous sommes tous en attente d'histoire nouvelles et c'est peut être là que SPINELLI va perdre pied, car tout le monde plus ou moins connait cette histoire sauf peut être les plus jeunes de la troupe.
G DE TOURVILLE
« ROBERTO SPINELLI, c'est à vous.»
Je n'ai pas plus de sympathie pour lui en ce moment que j'en avais il y a 15 jours. Mais je reconnais qu'il à très belle prestance.
FRERE SPINELLI
« Maitre GUILLAUME, Chevaliers, Sergents, Archers à vous tous qui formez le 3e convoi, moi ROBERTO SPINELLI, je vais vous conter la grande aventure agricole du Chevalier PAYEN et du Sergent BRICOURT, tous deux valeureux soldats ayant guerroyé au cours de la 5e croisade. Les deux hommes fiers de leur passage en terre sainte se rendent de courtoises visites et au cours de l'une d'elle, dans la cour du château où réside le Chevalier PAYEN, le Sergent n'en croit pas ses oreilles, il entend:
ADELAIDE, GERTRUDE, MARGUERITE, BERTHE, VICTOIRE. A ces mots, des poules traversent la cours et viennent picorer dans les mains du Chevalier.
Le Sergent un peu surpris de la chose questionna le Chevalier : Tu as donné des noms de Dames à tes poules ? Le Chevalier tout fier de lui, lui avoua qu'à l'énoncé de leur nom, ses poules arrivent beaucoup plus vite.
Voyant le bon résultat, le Sergent demanda au Chevalier s'il pouvait en faire autant chez lui. Le Chevalier tout heureux de voir que son expérience avait du bon, encouragea le Sergent à faire de même et qu'il en tirerait de grandes satisfactions. Ceci est l'œuvre de la patience, Sergent, je te rendrai visite dans un an pour juger de ton travail.
L'année passa et le Chevalier PAYEN rendit visite au Sergent BRICOURT; Et là dans la cour de la Commanderie le Chevalier entendit des noms familiers: SALADIN, ABDEL, MOUSTAFA, CHICKRI, MOHAMED. A ces mots des lapins traversent la cour et viennent se rouler en boule aux pieds du Sergent.
Le Chevalier un peu surpris de la chose questionna le Sergent : Tu as donné des noms de sarrasins à tes lapins, diable bleu!
Eh oui! ça me fait moins de peine quand je leur passe le gourdin derrière les oreilles !!»
Sacré SPINELLI toujours le mot pour faire rire. L'ensemble de la troupe lui fait bon accueil et les mains sont nombreuses à se lever. Comme quoi les vieilles histoires font toujours recettes, ce qui ne nous arrange guère dans l'instant.
FRERE TREVOR
« Je compte 78»
G DE TOURVILLE
« Je note 78, Sergent LEONARD nous t'écoutons.»
SERGENT LEONARD
« Maitre GUILLAUME, mes Frères du TEMPLE je donne ma pièce d'argent au Chevalier PHILIBERT DE BEAUNE.»
G DE TOURVILLE
« Frère PHILIBERT, le Sergent LEONARD te désigne pour être sa voix, nous t'écoutons.»
PH DE BEAUNE
« Maitre GUILLAUME, Chevaliers du TEMPLE, Sergents et archers de France et de Bretagne, vous avez mon salut. Je vous conte la mésaventure de Messire GAUDAIN;
Un matin très tôt dans une chapelle du TEMPLE, à l'heure où l'on dit les matines, un Chevalier fait son entrée pour dire ses prières...»
SERGENT ROLAND
« Tu parles de qui?»
FRERE PASCALUS
« Donne-nous un nom!»
PH DE BEAUNE
« ...Un Chevalier fait son entrée pour dire ses prières, son manteau est taché de sang. Ses bras sont ensanglantés comme s'il avait étreint un marcassin.
Stupeur à la vue du sang, les autres Chevaliers se précipitent autour de lui pour le questionner.
Le bon Chevalier...»
SERGENT ROLAND
« S'il est bon, c'est pas toi, donne-nous un nom!»
PH DE BEAUNE
«... Le bon Chevalier lève les bras au ciel pour calmer la peur de ses Frères...»
A SHAUN
« Un Chevalier ne connait pas la peur!»
PH DE BEAUNE
« ...Le bon Chevalier se dit qu'en levant les bras au ciel ses Frères auraient moins peur!»
LA TROUPE
« HOU!!! HOU!!! A mort le bon Chevalier!»
PH DE BEAUNE
« ... Le bon Chevalier lève les bras au ciel pour toucher les pieds du CHRIST notre SEIGNEUR afin d'apporter la paix à ses Frères. Mais tous effrayés lui posèrent la même question et par trois fois comme le fit le Saint homme le bon Chevalier PASCALUS ne pu répondre. Alors le Sergent ROLAND lui apporta une gourde de vin et quand il eut bu jusqu'à plus soif il leur avoua qu'il n'avait pas eu de chance cette nuit. Qu'il avait enterré MESSIRE GAUDAIN mais que lui... ne voulait pas.»
De partout, j'entends des rires et les mains nombreuses se lèvent.
FRERE TREVOR
« Je compte 92»
G DE TOURVILLE
« Je note 92, Sergent LEONARD avec la voix du Frère PHILIBERT, je te déclare vainqueur pour ce divertissement.»
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