Réveil 5H00.
Prières entre nous dans la grange.
Brossage des chevaux.
Repas avec le forgeron est sa famille.
Départ 9H00 direction KENDAL.
J'aime bien ces journées de détente même si les heures se suivent et se ressemblent en tout point. Depuis toujours chaque fois que je croise un troupeau de vaches ou de moutons je suis amené à les compter. C'est un jeu que j'affectionne avec mon Sergent PIERRE, c'est à celui qui fait mouche au premier coup. Les paris que nous engageons ne vont pas très loin puisque ni l'un ni l'autre ne possédons d'argent, mais nous pouvons jouer sur un quart de pomme, sur une demi pomme et sur une pomme entière. En fonction des saisons nous varions avec les noix et les noisettes. En hiver et au printemps nos paris se payent en raisins secs.
Vers midi nous avons posé pieds à l'entrée du village de TEBAY sur les bords de la rivière KENT. Une heure de repos le temps d'ôter les selles pour soulager nos chevaux.
De leur côté les archers ont suivit le Frère SPINELLI qui affirmait avoir vu des marcassins. Je ne dirais rien mais il est le seul à les avoir vus. Un peu de tir à l'arc ne peut pas leurs faire de mal, ils dormiront mieux ce soir. Et puis avec un peu de chance nous aurons peut être de la viande fraiche pour les deux jours à venir, avec SPINELLI il faut s'attendre à tout.
Avec le peu de repères dont je dispose je m'efforce de suivre ce qui me semble être la bonne route. Avant de repartir nous faisons un rapide point de la situation. Sur les conseils du Frère PASCALUS nous suivrons la rivière sur environ 3 lieues puis changement de direction pour rejoindre le village de GRAYRIGG. Si les détails de notre carte sont bons nous devrions toucher KENDAL un peu avant la nuit.
PH DE BEAUNE
« Sergent PIERRE, passe le rappel nous partons.»
PIERRE le vosgien
« Qu'est-ce que je fais pour le Frère SPINELLI?»
PH DE BEAUNE
« Corne deux fois, il comprendra que la chasse est fini.»
FRERE PASCALUS
« Nous partons sans lui?»
PH DE BEAUNE
« Non, je n'ai jamais abandonné un cheval!
et ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer.
Sergent LEONARD, Sergent PIERRE seller les chevaux des archers ainsi que celui du frère SPINELLI, nous partons»
PIERRE le vosgien
« Nous n'attendons pas leur retour?»
PH DE BEAUNE
« Notre chemin est encore long et chaque minutes comptent.»
FRERE PASCALUS
« Pour ma part je suis prêt, nous pouvons partir.»
Cette deuxième partie de la journée est bien semblable à la première, les terres que nous traversons se ressemblent en tout point. Bruyères et genets à perte de vue, pas un seul arbre, on se croirait sur la mer. Si SPINELLI nous voit il n'aura aucun mal à nous rejoindre ,à son appel nous arrêterons les chevaux.
SERGENT LEONARD
« Archers en vue !»
PH DE BEAUNE
« Bien arrêtons-nous.»
Les archers sont revenus aux pas de course, sans marcassin, il était fort peu probable de toute façon qu'ils fassent bonne chasse sur un terrain comme celui-ci. Je sais que SPINELLI sera en colère jusqu'à ce soir. Dès que nous serons à KENDAL, Je lui donnerai une bouteille de vin et sa bonne humeur reviendra.
ROBERTO SPINELLI
« Je vous maudis tous autant que vous êtes, même un chien n'aurait pas agit ainsi PHILIBERT. Tu m'entends !»
PH DE BEAUNE
« Oui je t'entends !»
ROBERTO SPINELLI
« Et alors ?»
PH DE BEAUNE
« Alors rien! Grimpes sur ton cheval, nous reprenons la route!»
Avec ou sans marcassin je suis en colère d'avoir perdu tout ce temps pour une chasse stupide. Je vais reprendre la tête de notre groupe pour essayer de gagner un peu de temps , le Frère PASCALUS est bien gentil mais à vouloir à tout prix ménager la chèvre et le chou nous n'avançons pas très vite. Je sais qu'il comprendra très bien la situation et qu'il ne m'en voudra pas d'agir de cette façon. D'ailleurs il est impossible de se fâcher avec le Frère PASCALUS il est tellement brave homme. Chemin faisant j'ai appris à le connaitre et à l'apprécier pour ses valeurs. Cet un homme loyal sur qui je peux compter.
SERGENT LEONARD
« Cheval au galop !»
Afin de se soulager en tranquillité et ne pas être à la traine loin derrière nous, PIERRE a pris une longueur d'avance sur la troupe mais je ne comprends pas son soudain revirement, peut être que son envie lui est passée et que la situation peut attendre.
PH DE BEAUNE
« C'est PIERRE»
SERGENT LEONARD
« Pour revenir aussi vite il a dû poser sa crotte sur une fourmilière.»
PH DE BEAUNE
« Tu es stupide mon pauvre LEONARD, on n'a jamais vu des fourmis courir après un cheval.»
PIERRE le vosgien
« CHEVALIER, il faut que je te parle, suis-moi.»
PH DE BEAUNE
«A voir ta tête, je dirais que tu as vu un diable.»
PIERRE le vosgien
« CHEVALIER je venais juste de poser les pieds au sol, même pas le temps d'enlever ma ceinture, quand j'ai vu les oreilles de mon cheval se redresser. Puis il a frappé plusieurs fois le sol avec sa patte avant, il fait toujours ça quand il sent quelque chose sans le voir. Je lui ai passé la main sur le nez pour le rassurer et je me suis avancé pour voir ce qu'il avait flairé. Je dirai qu'à 300M d'ici peut-être un peu plus, il y a un groupe d'hommes qui marchent dans notre direction. Ils ont trois charrettes avec trois chevaux et cinq vaches.»
PH DE BEAUNE
« Archers en armes et prenez vos places.
PASCALUS, SPINELLI avec moi.»
Effectivement à environ 300M, il y a bien tout ce que mon PIERRE m'a décrit. Mais dans sa précipitation il n'a pas vu le délabrement du convoi. Je propose à mes deux Frères Chevaliers de nous rapprocher de plus près afin de mieux cerner ce qui fait marche en notre direction.
PH DE BEAUNE
« Qu'en penses-tu Frère SPINELLI?»
ROBERTO SPINELLI
« Je dirai à première vue que ces gens sont livrés à eux même, ils doivent provenir d'un village des environs. Je dirai à les voir ainsi soit qu'ils ont fui ou qu'ils ont été chassés de leur village. A n'en pas douter la peste est la cause de leur malheur.»
FRERE PASCALUS
« J'ai compté 11 hommes et 6 femmes et je dirai 2 enfants en bas âge. Dans le premier chariot sans bâche il y a deux personnes couchées. Certainement des malades.»
ROBERTO SPINELLI
« Ils doivent errer dans les champs entre deux villes, ils doivent être porteur de la peste voilà pourquoi ils sont là.»
FRERE PASCALUS
« Que pouvons nous faire pour aider ces pauvres gens?»
PH DE BEAUNE
« Rien, aujourd'hui vivant, demain mort!»
FRERE PASCALUS
« Il est de notre devoir d'aider ces pauvres gens devant le malheur qui les accable.»
ROBERTO SPINELLI
« Je regrette Frère PASCALUS mais nous ne pouvons rien pour eux. Et aucun de nous ne doit s'en approcher. Ces pauvres ont la peste, notre SEIGNEUR les recevra bientôt dans sa maison.»
ROBERTO SPINELLI
« Retournons au campement.»
FRERE PASCALUS
« Frère PHILIBERT que comptes tu faire?»
PH DE BEAUNE
« Rien! Tuez les tous et brulez les corps, brulez aussi les chariots et tout ce qu'ils possèdent»
FRERE PASCALUS
« Tu veux mettre à mort ces pauvres malheureux avec nos d'épées?»
PH DE BEAUNE
« Je ne les tue pas pour les tuer, je leur donne la mort pour qu'ils ne souffrent plus. Les mères creusent des tombes pour leurs enfants, les hommes creusent des tombes pour leurs épouses, nous sommes la main du SEIGNEUR alors arrêtons ces souffrances et par la même occasion arrêtons la peste là ou elle se trouve. »
ROBERTO SPINELLI
« Je vais demander aux archers de se préparer.»
PH DE BEAUNE
« Ils nous faut 3 volontaires pour les arcs de secours!»
FRERE PASCALUS
« Qui comme volontaire?»
PH DE BEAUNE
« Moi»
ROBERTO SPINELLI
« Je suis avec toi»
FRERE PASCALUS
« Alors je serai le troisième»
Ce qui suivit ne regarde que le SEIGNEUR et moi même. Pour ce geste le Frère SPINELLI et le Frère PASCALUS feront pénitence en ma compagnie le temps de remettre à DIEU les âmes de ces pauvres gens. Je sais que le Frère PASCALUS ne pouvait pas prendre une telle décision et SPINELLI encore moins, de lui je sais qu'il aurait contourné le problème pour ne pas le voir en continuant sa route sans encombrement. Je ne leur en veux pas et j'assume pleinement mes responsabilités même si parfois il m'en coute de prendre de telles décisions. Souvent je me demande pourquoi le SEIGNEUR me demande de tels actes. Pourquoi moi. Qu'aurait fait mon père devant une épreuve de ce genre. Je sais qu'il est vieil homme et ne plus rien savoir de lui me navre. Dès que je serai à SAINT ANDREWS, je lui ferai parvenir un message codé. Les moines du monastère de SAINT ABB'S au nord de BERWICK me rendront ce service.
Nous avons dépassé le village de GRAYRIGG, dans 2H00 nous serons à KENDAL. Enfin.
Je lis dans le regard de chaque homme cette petite satisfaction de retrouver demain le 3e convoi. Ont-ils pu traverser tout le pays sans problème? Je dois reconnaitre que la voie par mer me paraissait plus sûre même s'il existe des dangers liés à une mauvaise mer. Mais de BRIGHTON à KENDAL quelle traversée! Si GUILLAUME DE TOURVILLE est toujours vivant il aura droit à toute ma reconnaissance. Une telle épreuve pour un homme de son âge n'est pas sans danger.
SERGENT LEONARD
«je te trouve bien pensif Chevalier veux tu que je te raconte une histoire.»
PH DE BEAUNE
« Ai-je la possibilité de dire non.»
SERGENT LEONARD
« Non!»
PH DE BEAUNE
« Alors je t'écoute.»
SERGENT LEONARD
« C'est l'histoire d'un marchand qui se rend en Terre Sainte pour ses affaires; En arrivant devant JERUSALEM il est surpris de voir des centaines de croix plantées tout autour de la ville; Il en choisi une au hasard et s'agenouille mais tout en priant il creuse un petit trou au pied de la croix et y enterre une partie de son or.
Et là une voix céleste l'interpelle! dit donc marchand que fais-tu là?
Pas très surpris vu le lieu, le marchand réplique: je cache mon or, je le reprendrai plus tard.
De nouveau la voix céleste se fait entendre: mais ces croix se ressemblent toutes, comment feras tu pour retrouver ton or?
A ce moment là le marchand ouvre son manteau, sort sa pique et pisse sur la croix;
Voyant ceci, Dieu vexé touche la croix de son index et sitôt la croix tombe en poussière.
Le marchand sans se décourager marque l'emplacement avec une grosse pierre.
Mais ce que le marchand n'a pas vu, c'est que le petit vers qui vivait à l'intérieur de la croix à survécu. Pour ne pas se faire écraser par tous les pèlerins, le petit vers monte sur le gros caillou et reste là à attendre comme un mendiant.
En fin de journée passe un pèlerin qui mange une pomme. Voyant la pomme le petit vers interpelle le brave homme: dis moi pèlerin, si tu me donnes ta pomme je ferai de toi un homme riche! A ces mots le pèlerin tombe à genou, lève les yeux au ciel et dit : riche comment mon Dieu? Le petit vers vexé de ne pas être reconnu à sa juste valeur prend la voix de Dieu est dit: je te ferai aussi riche que le marchand qui a caché son or sous ce caillou. A ce moment là le pèlerin est persuadé que Dieu en personne s'adresse à lui. C'est un peu normal on est à JERUSALEM, mais en se penchant le pèlerin voit le vers sur le gros caillou et comprend qu'il ne parlait pas avec Dieu, du coup le pèlerin vexé écrase le vers avec sa pomme. La morale de cette histoire c'est :»
PH DE BEAUNE
« Sois toi-même et ne donne pas ce qui ne t'appartient pas.»
SERGENT LEONARD
« Ta réponse est bien rapide, tu connais cette histoire?»
PH DE BEAUNE
« Oui ! Depuis deux jours, le Frère SPINELLI me l'a racontée. »
PIERRE le vosgien
« CHEVALIER, KENDAL en vue !»
SERGENT LEONARD
« Comment va-t-on faire pour retrouver la troupe de Maitre GUILLAUME?
PH DE BEAUNE
« Je ne pense pas que GUILLAUME DE TOURVILLE soit entré en ville, son campement est forcément sur les bords du KENT. La rivière coupe la ville en deux, il est soit au nord, soit au sud. Nous verrons demain en formant deux groupes.»
PIERRE le vosgien
« Nous sommes à KENDAL, mais eux, peut être pas !»
PH DE BEAUNE
« Dans ce cas, à nous d'être patients.
Pour l'instant nous devons trouver la chapelle SAINT GEORGES, sur ma carte elle est inscrite proche de la rivière. C'est là que nous passerons la nuit»
‘Il y a longtemps que nous n'avons pas traversé une ville de cette taille, mais en suivant la rivière je devrais trouver sans trop de problème la chapelle. Le Frère PASCALUS me signale qu'à la tête de cette chapelle c'est le moine BEREM qui est en charge de cette paroisse. Espérons que nos têtes lui seront plaisantes cela facilitera notre séjour, car bien sûr nous pouvons rester en ce lieu 1, 2 ou 3 jours. En fait tout dépend de l'arrivée du 3e convoi.
Pour ce que je vois de KENDAL rien ne retient mon attention, tout est sombre et passablement vétuste comme si la ville vivait sur sa vieille gloire du temps où commerces et artisans faisaient les beaux jours. A son tour le Frère SPINELLI me fait remarquer le manque de vie dans les rues. Les villes sont comme les hommes, elles vivent et elles meurent. Je dirais que celle-ci est entre les deux. Notre arrivée dans le jardin de la chapelle fut salué par un moine bien dodu au visage rougeaud. Après les présentations et formalités d'usages notre moine au visage joyeux répondant au nom de BEREM nous invita à faire le tour du propriétaire en commençant par la cuisine. Après avoir vu les locaux qui seront les nôtres au premier étage nous sommes repassés par la cuisine. A n'en pas douter cette pièce est le centre de vie de cette communauté. A voir la tête des autres moines ma première impression fut la bonne. Partout ou mes yeux se sont posés je n'ai vu que victuailles, vins et jambons pendus au plafond. Le Frère SPINELLI et son Sergent PAQUELIER avaient soudainement repris bonne mine. Le premier en se frottant les mains après les avoir passé sur les bouteilles et le second se frottant la panse en regardant les jambons. Si je les perds de vue je saurais les retrouver. Si la ville n'est pas très vivante je crois que ses habitants sont tout son contraire et porte le bien vivre sur eux. En tout cas, les six que j'ai sous les yeux ne sont pas tristes.’
* Note du traducteur
" Il y 700 ans la richesse des uns se trouvait souvent derrière la porte de la cuisine et il est bien connu de tout temps que les religieux savaient tirer profit de leurs richesses. Souvent riches propriétaires les églises et les monastères vivaient de manière peu conventionnelle par rapport au reste de la population. La cuisine médiévale riche de saveurs était en constance évolution. Les recettes circulaient dans toute la chrétienté. Les épices rares et chers en provenance de l'orient se retrouvaient sur toutes les bonnes tables. Les croisades ont permis en outre d'accroitre le commerce de produits exotiques jusque là seulement connus par les écritures ou consommés à la table des rois."
Après avoir pris soin de nos chevaux pour la nuit, nous avons fait plus ample connaissance avec nos braves moines. Quand nous sommes repassés par la cuisine, je fus surpris de voir bouillons et viandes frémir dans les chaudrons, les moines s'activaient en grands maitres de cuisine. Le Sergent LEONARD, le Sergent PAQUELIER, les Frères PASCALUS et SPINELLI et le Sergent ROLAND sont déjà en cuisine à regarder de prêt la transformation des viandes qu'ils mangeront plus tard dans la soirée. Je les ai trouvés bien attablé buvant de la bière certainement fabriquée par les moines.
MOINE BEREM
« Frères TEMPLIERS, si vous devez prier, faites-le maintenant car après le repas, ça sera plus difficile, nous faisons nous-mêmes notre bière.»
PH DE BEAUNE
« Nos prières peuvent attendre demain matin, mais nous ne sommes pas là non plus pour vider vos tonneaux.»
MOINE BEREM
« Rassurez vous CHEVALIER comme vous le voyez cette cuisine est grande et sous vos pieds nous avons notre cave tout aussi grande. Nous vous ferons visiter demain.»
FRERE ROBERTO SPINELLI
« Demain est bien loin!»
MOINE BEREM
« Certes, mais je suis le seul à posséder la clef qui ouvre la porte de la cave qui se trouve derrière vous.»
FRERE PASCALUS
« Je suis sur que le Frère SPINELLI trouvera en lui assez de sagesse pour attendre demain.»
Si la cuisine est de grande taille, la salle aménagée pour les repas fait piètre figure à mon avis je suis sur que ces moines font ripailles directement dans leur cuisine et ne viennent dans cette petite salle seulement à l'occasion comme ce soir pour nous. Je dis ça parce que je remarque qu'il y a très peu de cire fondue dans les bougeoirs. Cette soirée est nouvelle et pour nous et pour eux, mais dès demain si leur tradition est de festoyer dans leur cuisine alors nous ferons comme eux et nous leur tiendrons compagnie entre chaudrons et tonneaux
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